- 1ère Campagne -
FAUX-SEMBLANTS : L'Origine

     Cela me semble aujourd'hui une éternité, mais ce n'était pourtant qu'il y a quelques années. Le Roi Random régnait alors sur Ambre depuis six ans, entretenant, pour la sécurité du Royaume, des relations fort diplomatiques avec les Cours du Chaos. Quelques soulèvements vite réprimés agitaient les Ombres proches, mais tout semblait se dérouler le plus paisiblement du monde. Apparence et faux semblants !

     Random prêtait en vérité la main à un dessin bien différent de celui de la paix établie avec le Chaos. Et autour de lui, maintes factions se formaient, souvent concordantes sur la fin, mais non sur les moyens et le but. Je m'aperçois de l'opacité de ce discours, mais soit assuré lecteur, que je reste dans le vague bien contre mon gré. Aujourd'hui encore, et bien qu'évoluant dans les hautes sphères du pouvoir, je ne connais pas toute la trame de cette intrigue qui détermina pourtant l'avenir de la création entière. Il y avait Melekin et ses enfants pour qui seul comptait la vengeance contre Oberon. Il y avait Brand, dans l'Abysse, et son désir de monter sur le trône d'Ambre. Il y avait Dworkin, très discret, qui craignait les entreprises de Melekin. Il y avait Fiona, dans les Cours du Chaos, aux côtés de Mandor. Il y avait Oberon, insaisissable. Il y eut Wilson et son omniscience.

     Et tout cela encore une fois, apparence et faux semblants !

     Car en vérité, Oberon souhaitait ( mais était-ce réellement nécessité comme tous le prétendirent?) une Marelle plus forte contre le Chaos. Et il n'envisageait rien de moins que de la recréer. Oh! l'idée était séduisante ! Ambre en sortirait beaucoup plus puissante. Mais celui qui tracerait cette nouvelle Marelle deviendrait souverain incontesté de l'Ordre. Oberon et Brand, alors seuls Accordés au Joyau du Jugement, conclurent un pacte : Celui des deux qui vaincrait l'autre tracerait cette nouvelle Marelle.

     Random organisait des rébellions factices afin de distraire l'attention de tous. Pendant que nous suions sang et eau dans la boue des champs de bataille, il endommageait volontairement la Marelle : les Cours semblaient vouloir rompre la paix établie ! Viendrait un jour où la Marelle serait trop affaiblie, il faudrait la retracer !

     Dworkin de son côté, sous prétexte de déjouer les entreprises de Melekin, m'envoyait dans le passé, assister à la création de la Marelle ! A Yarick grièvement blessé, il "offrait" le Joyau en guise d'œil. Ces actes de Dworkin eurent de telles conséquences par la suite, qu'il est bien difficile de croire qu'elles étaient l'œuvre d'un dément. Pourtant leurs motivations ne m'apparaissent toujours pas clairement.

     Brand dans l'Abysse protégeait Yarick et son Oeil des attaques d'Oberon pour le récupérer. Brand toujours, immergeait Robin dans la Fontaine du Donjon des Quatre Mondes, lui conférant une force et une endurance "surambrienne".

     Fiona dans les Cours nous clamait qu'elle refusait de suivre son père, qu'il avait choisi la mauvaise voie. Mais nous expliquait tout de même comment serait tracée une nouvelle Marelle.

     Et les événements s'enchaînant, la famille entière se trouva un jour réunie autour de la Marelle Primale. Oberon et tous ses enfants mâles, Brand excepté, l'épée à la main. Face à eux, d'une ouverture béante de l'Abysse, s'écoulait un flot humain ininterrompu. Une armée d'esclaves au sang ambrien, tous identiques et prêts au sacrifice. Ils marchaient vers la mort sans ciller et leur sang s'écoulait en un flot pourpre et chaud, coulait lentement sur la Marelle...Un vent de plus en plus fort soufflait, l'univers alentour perdait sa Réalité, les Ombres se repliaient sur elles-mêmes, en un défilé d'images apocalyptiques. Brand avait gagné, et de la pointe de son épée traçait la première courbe d'une nouvelle Marelle. Oberon et ses enfants luttaient maintenant pour repousser les forces du Chaos. Brand, parvenu à la moitié du parcours, chancelait malgré l'aide fournie par Yarick au travers du Joyau. J'avais soutenu le moindre de ses pas, mais il ne pourrait bientôt plus. Lorsqu'il disparut, Robin s'avança et lentement, péniblement, reprit la marche interrompue de Brand. Je posais à mon tour le pied sur la Marelle naissante, et rejoignis Robin, un genou à terre, trop épuisé pour se lever. Il ne restait que quatre pas à accomplir, quatre pas pour nous sauver tous. Je soulevais Robin de terre et forçais son corps à se plier à ma volonté. Nous nous écroulâmes au centre de la Marelle, le Chaos s'éloignait à une vitesse fulgurante, une odeur d'humus frais me caressait les narines, Robin ne respirait plus...