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Départs -
Plutôt
que de foncer aveuglément retrouver Yarick, je songeais cette fois à passer
par la Marelle de Corwin afin de savoir combien de temps je m'étais absentée.
Bien m'en prit car j'avais disparu plusieurs jours comme me l'apprit donc
sèchement Corail. D'autant plus que j'avais également manqué mon tour
de garde… Elle m'expliqua tout de même avant de me laisser repartir que
Corwin était dans les Cours du Chaos avec Merlin et que Rinaldo avait
finalement choisi de suivre Brand, la filiation l'ayant emportée sur l'amitié.
Consciente que je ne pourrais pas changer en quelques minutes mon image
auprès de Corail, j'abandonnai pour cette fois, et évoquant la Marelle,
partis à la recherche de Yarick avant d'oublier la commission.
Je traversais donc les Ombres pour retrouver l'hôpital où je l'avais laissé.
Il y était effectivement, et en compagnie de Robin : chose surprenante
car je croyais ce dernier en Ambre avec son père. Je délivrais à Yarick,
sans qu'il semble y voir plus clair que moi, le curieux message de Bleys,
et les quittais peu après. Erreur semble-t-il ! Car après mon départ,
ils rencontrèrent Voile, une
des deux filles de Melekin. Et comme Oberon tenta dans le
même temps de dérober le Joyau à Yarick, ils emmenèrent celle-ci par mégarde
jusqu'à la Marelle primale. Comment osent-ils ensuite me dire qu'ils ne
me font pas confiance alors qu'ils traînent les adversaires d'Ambre jusqu'à
la source même de son pouvoir !
De
retour à la Marelle de Corwin, j'y trouvais à nouveau Corail, en compagnie
cette fois de Merlin, Jurt et Père. Corwin envisageait de traverser sa
Marelle, et d'y rester afin de la stabiliser, voire de la développer,
comme je crus le comprendre à travers les discours empreints de colère
qui résonnaient au pied d'Ygg. Les trois jeunes gens refusaient d'aider
Père en raison du danger que représentait une telle entreprise. Ils estimaient
qu'une simple veille suffisait. Merlin ajoutait, augmentant encore la
colère de Corwin, qu'il agissait sur un coup de tête, en raison des dernières
nouvelles, et que quiconque le suivrait s'en mordrait les doigts, sans
compter qu'il aurait peut-être changé d'avis dans deux jours !
Pendant les quelques minutes durant lesquelles j'avais suivi en silence
la querelle, j'avais été bien près d'imiter Père pour le soutenir, mais
les paroles de Merlin m'amenaient maintenant à réfléchir. Le regard de
Corwin ne m'avait de toute façon même pas effleuré. Il s'engageait maintenant
sur le Tracé, nous tournant résolument le dos. De petites flammes bleutées
lui léchaient les talons, de plus en plus gourmandes à chaque pas. A nouveau,
je restais fascinée par le spectacle.
Quand
je me tirai enfin de l'envoûtement qu'exerçait sur moi la Marelle, seul
Corail se tenait encore auprès du Tracé. Elle était assise un peu en retrait,
et j'allai la rejoindre. Curieusement la tension entre nous paraissait
moindre que lors de nos dernières rencontres. Nous échangeâmes quelques
paroles, assez neutres, mais c'était déjà là un commencement. Quand soudain…un
oiseau au plumage roux apparut dans le ciel.
"_
On m'en avait parlé, dit-elle, as-tu l'intention de disparaître ?
_ Je l'ignore ", lui répondis-je franchement
comme j'obtempérais encore une fois aux indications et me dirigeais à
nouveau vers Ygg. Que me voulait Bleys cette fois-ci ?
Ce que j'entrevis derrière l'arbre me figea de stupeur : la tache noire
de l'Abysse. Et avec comme fond sonore la voix de Brand qui voulait absolument
que j'aille lui tenir compagnie. Je refusais et à ma grande horreur, d'étranges
et répugnants animaux jaillirent hors du néant. Si je refusais encore
une fois, Brand me menaçait d'en faire surgir suffisamment pour créer
des dégâts irréparables. Je capitulai, espérant qu'il tiendrait parole.
Je
me trouvais donc dans la pénombre de l'Abysse, à l'intérieur d'une étrange
bulle, avec Brand pour vis à vis. Mais par quel bout prendre cette conversation
? Car enfin une seule et unique information s'accapare tout mon esprit
: Brand est ma mère ! Ma mère est le frère de mon père, le prince fou
d'Ambre, celui qui a voulu détruire la Marelle ! Autant dire que malgré
la surprise, une multitude de questions se pressaient sur mes lèvres.
Il m'avait donné naissance dans le but de créer ce qu'il appelle maintenant
Golden Child. Ce fut, selon ses dires, une expérience très difficile.
Il avait choisi mon père en raison de ses troubles de mémoire. Je le croyais
difficilement quand il me parla de l'émotion ressentie la première fois
qu'il m'avait tenue dans ses bras. Ne m'avait-il pas abandonnée ensuite,
et pour des centaines d'années !
Et aujourd'hui, l'intérêt semble-t-il le poussait vers moi. Il souhaitait
m'apprendre que Yarick, Robin et Neige avaient rejoint son camp, que Gérard,
Deirdre et Karadriel se trouvaient également dans l'Abysse. Pour ces derniers,
je savais, mais les trois premiers noms cités me laissaient incrédule.
Brand m'expliqua donc qu'il avait eu le souci du regroupement familial
car Robin était son fils… mon frère ? Robin était donc son fils, et celui
de Vialle, qu'il avait abusée par la métamorphose. Random l'avait découvert,
ainsi que Martin qui ne supportait pas de voir accéder au trône un "frère"
ne possédant pas de sang royal et lui tendait sans relâche des embûches.
Je retirais deux choses de cet entretien : je n'avais plus de doutes maintenant
sur l'identité de ma mère, et Brand avait eu du mal à me localiser en
Ombre. Cela ne devrait pas, mais mon orgueil s'en trouvait flatté, et
Brand le savait bien, sans quoi il ne l'aurait pas dit. On ne se refait
pas !
Pour conclure, il m'expliqua la véritable raison de cette convocation.
Il voulait bien sûr que je rejoigne son camp, et surtout que je lui annonce
immédiatement ma décision. Je lui demandai donc ce qu'il comptait faire
: rien de moins que mettre Yarick sur le trône après être revenu triomphalement
en Ambre ! Non décidément je n'étais pas convaincue et je lui dis que
je préférais retourner d'où je venais. Phrase risquée, risque de baffe
non négligeable, j'avais assez peur de finir rôtie dans l'Abysse, mais
si c'était vraiment ma mère, il ne le ferait pas. Je fermai les yeux et
ressentis comme une brûlure à la surface de ma peau. Paniquée je relevai
les paupières, je ne voulais pas mourir maintenant ! Mais j'étais de retour
aux côtés de Corail, ma peau toujours brûlante, pourtant en vie et entière.
" Le prochain volatile, abattons-le, veux-tu ?
!", lâchai-je comme la tension retombait.
Corail
m'apprit que les créatures avaient disparu en même temps que moi. Brand
avait donc tenu parole et j'en étais contente. J'ignorai ce que cela signifiait
de ses sentiments, mais je remis à plus tard ces considérations. Je voulais
contacter Yarick afin d'être sûre que Brand m'avait dit la vérité à son
sujet. J'avais découvert grâce à Jurt que les Atouts du Chaos fonctionnaient
et comme j'en avais déjà détenu un, je m'employais à retrouver le processus
de création. Les débuts furent difficiles, mais finalement je fus assez
satisfaite du résultat. Corail m'avait regardée travailler sans un mot,
tout comme elle ne broncha pas quand je me concentrais sur la carte. Je
ne ressentis pas l'habituelle sensation de froid, la carte au contraire
était chaude et devenait brûlante. J'avais donc certainement réussi. Toutefois,
je ne parvins pas immédiatement à établir le contact, j'insistais donc
et à ma grande surprise, ce fut la silhouette de Deirdre qui s'anima.
Elle semblait, au décor, se trouver dans l'Abysse. J'étais plus qu'étonnée
de ce qui venait de se produire : ainsi, on pouvait intercepter un contact
d'Atout comme on détourne une ligne téléphonique ! Une sorte de transfert
d'appel. Sur le moment, je ne trouvais rien de mieux à dire que : je voulais
parler à Yarick. Stupide mais je m'étais laissée surprendre ! Elle me
répondit que Yarick ne pouvait pas me répondre pour le moment mais qu'il
était bien avec eux, elle me proposa donc de me faire traverser. J'hésitai
quelques instants : j'en revenais et ne désirais pas vraiment tenter à
nouveau l'expérience. D'un autre côté, je voulais découvrir ce qui avait
décidé Yarick et Robin. Et pour dire le vrai, la perspective d'une longue
et interminable veille devant la Marelle de Corwin ne me réjouissait pas
particulièrement. Je pris donc la main tendue par Deirdre.
J'arrivai en ce lieu que je venais de quitter et découvris dans la bulle
Robin, et Yarick endormi à ses côtés. Touchant tableau ! En face de nous,
Brand affichait un sourire réjoui :
" Je suis ravi de vous voir enfin réunis
tous les trois ici."
Et il disparut avec Robin. Ne restaient plus que moi et, un Yarick visiblement
épuisé.
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