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- Retrouvailles
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Après
s'être entraîné à l'évocation des Empreintes de Marelles une journée entière,
Tristan s'effondra de sommeil dans un hôtel du style 19ème siècle de l'Ombre
terre, choisi évidemment par sa mère. Sa nuit fut une succession de rêves
incomplets et incohérents, et se termina par la réapparition de celui
terrifiant de son enfance. Mais il était cette fois-ci prisonnier d'une
entité sans pouvoir se libérer, ni même exprimer son désir de liberté.
A son réveil le lendemain, il ne trouva pas sa mère dans l'hôtel, mais
toutes ses affaires étaient là. Il décida d'essayer de la joindre par
Atout mais n'y parvint pas. Il appela donc son père, Ixaani, qui était
sur une des collines d'Ambre. Autour de Tristan, le monde changea rapidement,
sans qu'il ne puisse y faire quoi que ce soit. Les événements se précipitèrent,
le niveau technologique de l'hôtel augmenta considérablement, des bruits
de klaxons se firent entendre… Il saisit rapidement la main offerte par
son père et arriva à Ambre, sain et sauf. Ixaani lui expliqua que lors
du contact, la Réalité dominante imposait le cours temporel de l'Ombre.
Il était donc dangereux de contacter par Atout les personnes dans les
Ombres. Il expliqua aussi à Tristan qu'au commencement des univers, les
Atouts étaient des portes intemporelles vers le passé. A présent, seul
le risque de modification des coefficients temporels menaçait les contacts.
Lorsque Tristan eut rapporté la mystérieuse disparition de sa mère, ils
essayèrent de la contacter ensembles et y parvinrent enfin. Elle était
dans l'Ombre Loch, l'Ombre d'enfance des deux frères jumeaux. Elle expliqua
qu'elle avait essayé de contacter Levon mais qu'il était dans une Ombre
à flux temporel plus lent qu'elle. Il avait en effet changé d'Ombre grâce
à son demi-frère Alwynn. Tout s'était accéléré et voyant son Ombre s'effondrer,
il avait pris le geste de sa mère pour une agression. Il avait alors tenté
de la tuer de ses propres mains et elle avait été obligée de le terrasser
psychiquement pour l'en empêcher.
Ixaani prit le corps de Levon, que Lycia maintenait magiquement endormi,
et le ramena dans une geôle du palais. Tous trois eurent alors une longue
et douloureuse conversation. Ixaani était furieux contre Levon et hésitait
entre exercer ce que son sens de la justice commandait et le pardonner
comme lui suggérait son affection de père. A l'issue de leur conversation,
Lycia alla sonder psychiquement l'esprit de Levon. Tristan et Ixaani restèrent
avec elle pendant qu'elle se livra à sa sonde psychique.
Je
savais que c'était la meilleure décision : c'était le meilleur moyen de
savoir ce qui était arrivé à Levon, de le protéger à l'avenir. Il nous
fallait savoir de quoi il en retournait, si nous pouvions encore faire
quelque chose pour l'aider. Je ne pouvais me résoudre à l'idée qu'il aurait
pu tuer maman… Papa, lui, n'était pas prêt à pardonner à mon frère, il
lui en voulait beaucoup trop pour son geste.
Le visage de notre demi-frère Alwynn m'était familier. Lui ou une de ses
ombres était un artiste sur l'Ombre Terre où nous avions vécus. Je l'avais
en effet vu sur des affiches de publicité. C'était ainsi que Levon avait
dû le connaître. Il avait appris par lui-même à dessiner des Atouts et
avait essayé de le contacter. Lorsqu'il m'avait joint, il avait déjà perdu
le jeu d'Atout de maman et il avait alors testé sa première création personnelle.
Après son succès, il avait fait et utilisé celui d'Alwynn. Ainsi, il avait
aussi rencontré Kasumi, Zeo Leo, Galaak et Elyas. C'est Yarick, véritable
occupant psychique du corps de son fils Elyas, qui l'avait amené dans
l'Ombre où maman l'avait trouvé. Elle vit aussi dans l'esprit de mon frère
qu'il se sentait coupable de sa tentative…
Nous ne savions que faire et nous trouvâmes une solution qui nous sembla
la meilleure. Maman reconstruisit l'Ombre où elle avait trouvé Levon,
de manière identique à son souvenir. Elle le laissa au petit matin d'une
journée, afin qu'il ait l'impression d'avoir rêvé la journée où maman
était intervenue. De mon côté, je le contacterai plus tard dans la journée
et feindrai la surprise de le trouver dans les Ombres.
Tristan
parvint à contacter son frère Levon. Il était dans les Ombres et lui expliqua
que c'était dû au fait qu'il était devenu un autodidacte des Atouts. Il
était d'excellente humeur et ne semblait garder trace des manipulations
psychiques de sa mère. Tristan lui parla de sa traversée des Marelles
et Levon accepta de le rejoindre dans l'Ombre où il se trouvait. Après
le récit de Tristan, Levon fut séduit par l'idée que des souvenirs lui
soient révélés. Il se demandait sans nul doute, consciemment ou non, si
son souvenir de l'intervention de Lycia était réel ou non.
Levon avoua à Tristan son envie de revoir leur mère. Ils la contactèrent
et elle rejoignit ses deux fils. Ils fêtèrent leurs retrouvailles dans
un casino, près du manoir où les deux frères s'étaient donnés rendez-vous.
Tristan montra à Levon sa maîtrise débutante du voyage dans les Ombres
et Levon leur montra les Atouts d'eux qu'il avait dessiné. La soirée au
casino se termina par leur fuite du lieu suite aux facéties de Levon.
De retour au manoir, conformément aux manipulations de Lycia, une grande
piscine et deux jolies servantes les attendaient pour finir la nuit.
J'avais
passé une très agréable fin de soirée avec ma jeune compagne. Elle me
plaisait beaucoup et nos ébats avaient été des plus voluptueux. C'est
sur cette impression de bien-être que je m'étais endormi. Maman perturba
l'un de mes rêves avant que je ne m'éveille et que je n'accepte son contact
d'Atout : elle devait revenir à Ambre s'occuper des affaires du Royaume.
Je me rendormis et me réveillais aux aurores. Ma jeune compagne me murmura
quelques mots d'amour à l'oreille avant de me laisser… Je décidai de me
lever, avant de ne trop m'interroger sur la Réalité des actes d'amour
avec les Ombriennes, lorsque je tombai nez à nez avec un groom dans le
couloir du manoir. Il me regarda étrangement et je décidai d'engager la
conversation avec lui…
Il trouvait que j'étais plus attentif aux détails que Levon. Il le connaissait
bien et avait connaissance de sa particularité physique. Il se qualifia
lui-même de spécialiste en généralités et nous discutâmes autour d'un
bon petit-déjeuner. A ces propos, ce ne pouvait être que quelqu'un de
la famille qui voulait faire mystère de sa véritable identité. Je le trouvai
étonnamment sympathique. Il me dit que Levon avait développé une paranoïa
pour tout ce qui touchait à la Réalité. En fait, il serait venu dans le
manoir pour parler à mon frère et c'est par hasard qu'il serait tombé
sur moi. Il était à présent intrigué de l'origine de nos différences physiologiques.
Il arriva bientôt aux véritables buts de notre rencontre. Il avait un
marché à me proposer : un enseignement à me prodiguer. Je déclinai l'offre
et compris que derrière ce marché, une menace planait. Il me laissa non
sans m'avoir dit qu'une nouvelle offre me serait faite une autre fois.
Tristan
avait été intrigué par ce groom qui en savait tant sur lui et son frère.
Le marché qui lui avait été proposé ne l'avait pas séduit et même plutôt
inquiété. Il ne connaissait rien de cet individu et la menace, qu'il avait
sous-entendue, semblait sérieuse. Elle concernait sa famille, autrement
dit Levon. Tristan décida de contacter sa mère afin de lui révéler l'étrange
visite dont il avait été l'objet. Lycia découvrit que quelqu'un de Réel
portant l'Empreinte de la Marelle était intervenu, mais il n'était plus
là. Levon était toujours endormi dans sa chambre et rien n'avait été fondamentalement
changé. Elle fit un Atout spécial qu'elle confia à Tristan afin qu'il
puisse déterminer la date en temps d'Ambre et le coefficient temporel
de l'Ombre dans laquelle il se trouvait. Cela lui permettrait d'ajuster
correctement le coefficient temporel lorsqu'il voudrait communiquer par
Atout avec elle en Ambre. Elle laissa ensuite ses deux fils : elle avait
convenu que Tristan devait se débrouiller à présent par lui-même pour
s'exercer à manipuler l'Empreinte de la Marelle et que Levon ferait de
toutes les façons comme bon lui semblerait.
Tristan
fit passer le temps en lisant un roman policier. Voyant que son frère
ne s'était toujours pas levé, il alla frapper à sa porte. Ce dernier était
toujours en manque de sommeil. Tristan lui laissa un mot et s'en alla
s'exercer à l'utilisation de la Marelle.
Laissant
mon frère se reposer, je partis m'exercer au voyage dans les Ombres. Après
plusieurs essais, je découvris que la seule voie pour modifier certains
paramètres d'une Ombre sans quitter celle-ci pour autant, passait par
l'évocation de l'empreinte de la Marelle. Fort de cette certitude, je
regagnai le manoir où mon frère devait s'être à présent réveillé...
A
son retour, Tristan reçut un contact d'Atout. C'était le groom qui se
tenait dans une crypte. Il ne dévoila pas à Tristan sa véritable identité
et essaya une nouvelle fois de le convaincre de suivre ses enseignements,
comme Levon qui avait accepté. Il fut énervé du nouveau refus de Tristan
et lui demanda des noms de métamorphes qu'il connaissait. Encore une fois,
Tristan refusa de lui en dire plus, ce qui le conduisit à rompre le contact.
Arrivé au manoir, Levon n'était plus là. Il avait visiblement eu le message
de Tristan. Celui-ci mena son enquête et découvrit que la salle de bain
avait été aménagée de telle sorte à ce qu'elle ressemble à une crypte.
Dans la salle de bain, il découvrit des mèches de cheveux différentes
de celles de son frère. Dans la chambre de ce dernier, il trouva un dessin
-sans doute précurseur d'un Atout- d'une tondeuse. Un serviteur du manoir
avait aperçu le groom durant l'absence de Tristan. Les éléments en présence
lui indiquaient que le nouveau maître de Levon était peut-être venu ici.
Soit il s'était tondu les cheveux ici avec l'aide de son frère, soit Levon
avait décidé d'ajouter une touche personnelle à sa mascarade pour fourvoyer
un peu plus son frère. Qui que ce soit, il était reparti précipitamment
en brisant l'une des fenêtres du manoir. Du sang subsistait sur la vitre
brisée et Tristan en collecta plusieurs gouttes entre deux lamelles de
verre. Dehors, il n'y avait les traces que d'une seule personne : Levon
était vraisemblablement reparti par Atout. Perplexe et inquiet pour son
frère, Tristan contacta sa mère. Il lui dit que Levon était parti sans
lui hors de l'Ombre avec la complicité du groom.
Au
moment où le contact avec maman se rompit, j'avais mis au point un plan
pour retrouver Levon. J'avais été son premier sujet de test pour les Atouts
et peut-être la Métamorphose : et bien, il allait être mon premier objectif
de recherche avec la Marelle ! Je partirai d'une Ombre à flux temporel
rapide et de là je me focaliserai sur le souvenir de mon frère.
Les Ombres changèrent pour devenir technologiques et exotiques, avec de
plus en plus de créatures humanoïdes. Je passai par une Ombre où les oiseaux
parlaient, puis dans une où la végétation était en lévitation à un mètre
du sol. Sans crier gare, je me retrouvai avec de l'eau jusqu'à la taille,
au bord d'un lac. Après quelques manipulations, je finis par trouver une
embarcation artisanale et commençai à ramer, toujours à la recherche de
Levon. Après avoir croisé un bateau de tourisme, je transformai mon bateau
en zodiac filant à pleine vitesse à travers les Ombres jusqu'à ce que
je m'échoue dans le sable. Mon but était atteint et j'approchai d'un camping
au bord du lac.
A
la table d'un restaurant en extérieur, je vis Alwynn en train de discuter
avec le groom, qui n'était donc autre que l'objectif de ma recherche,
Levon. Je décidai de l'observer de loin. Il me vit et vint à ma rencontre.
Je le félicitai pour le tour qu'il m'avait joué et il reconnut que je
ne me débrouillai pas mal non plus, étant donné que je l'avais retrouvé.
Il n'était pas l'auteur de son changement de visage : c'était une personne
ressemblante au groom qui lui avait fait démonstration de ses pouvoirs.
Cette personne voulait nous avoir tous les deux comme disciples. Levon
ne retrouverait son visage que s'il parvenait à me convaincre de devenir
aussi le disciple du mystérieux groom. Pour ce dernier, nous devions être
un excellent sujet d'étude. Il me parla aussi d'Alwynn. C'était en fait
une ombre de celui-ci avec qui il discutait. Il avait essayé l'Atout d'Alwynn
et avait découvert qu'il existait des milliers de personnes correspondantes
à celui-ci. Il avait choisi celui le plus proche de l'environnement dans
lequel il l'avait vu la dernière fois qu'il l'avait contacté. Cet Alwynn-là
semblait posséder une partie des souvenirs de l'original, élément qui
me parut des plus troublants.
Nous discutâmes ensuite des solutions qui se présentaient à son problème.
Il comptait trouver un métamorphe pour qu'il lui rende sa véritable forme.
Malheureusement, je n'en connaissais aucun. Il avait de plus envie de
connaître un peu plus ce qu'il appelait "l'autre côté", c'est à dire les
Cours du Chaos. Là-bas, il était en effet sûr d'y trouver des métamorphes.
Cette solution nécessitait qu'il puisse y aller et les Atouts ne semblaient
pas suffire. Nous parlâmes enfin de maman et il se rangea après réflexion
à mon avis pour la consulter au sujet de nos problèmes récents avec ce
mystérieux groom. Je pris donc l'Atout de celle-ci et la contactai…
Via
le contact d'atout initié par Tristan, Lycia rejoignit ses deux enfants
au bord de la plage et écouta le récit des aventures de Levon. Elle pensait
que le mystérieux professeur n'était autre que le créateur de la Marelle
et ancêtre de la famille, Dworkin. Elle contacta ce dernier et révéla
à ses enfants qu'il était bel et bien l'auteur de ce chantage. A l'issue
d'une nouvelle discussion, Tristan et Levon acceptèrent d'être les disciples
de Dworkin. Ainsi, Levon pourrait retrouver son vrai visage. Tant qu'à
suivre des cours avec l'ancêtre, Levon émit l'idée qu'il lui faudrait
traverser une Marelle. Mais il était réticent à prévenir leur père, Ixaani,
de ce que voulait Dworkin et de sa méthode, de peur qu'il essaie de les
empêcher de faire comme ils en avaient à présent décidé.
Lorsque
Levon me dit qu'il voulait bien suivre les cours de Dworkin, je me demandai
quelles étaient ses réelles intentions. Alors que maman commençait à se
diriger vers Alwynn, nous échangeâmes quelques mots à ce sujet. Levon
voulait se venger de Dworkin une fois que nous serions devenus plus forts.
Il m'exposa la stratégie potentielle de ce dernier qui, selon lui, trahissait
sa bonne connaissance de nos relations familiales : une fois touché, mon
frère m'avait prévenu et j'avais ensuite prévenu maman. Elle s'était chargée
de nous exposer objectivement les possibilités et le choix de suivre ses
enseignements en avait naturellement découlé. Je fus sceptique à cet exposé
par trop paranoïaque, mais je reconnus qu'il y avait de quoi douter. Je
n'éprouvais que plus de hâte à connaître ce Dworkin. Le monologue de mon
frère trahissait reproche et jalousie à mon égard. Je souffris qu'il n'accepte
pas que mon habitude de toujours prévenir maman ait créé un lien supplémentaire
entre elle et moi. Partisan de la sincérité entre nous, je tentai de lui
en parler et de clarifier ses propos mais il me conseilla d'oublier et
de mettre cela sur le compte de son énervement dû à son état actuel. Ce
que je fis…
Lycia,
Levon et Tristan rejoignirent le "clone" d'Alwynn assis à une table du
bar de la plage. Il était venu vers Lycia croyant reconnaître sa mère
lorsqu'elle avait rejoint les deux frères, mais Levon l'avait présentée
comme sa sœur et elle ne l'avait pas démenti. Néanmoins, une ambiguïté
avait persisté et Levon avait insisté pour ne pas partir sans lui dire
au revoir. Après une brève discussion, Lycia fut convaincue que cette
personne n'avait qu'une partie des souvenirs d'Alwynn. Ils lui firent
leurs adieux et se mirent à l'écart. Lycia prit un Atout et ils disparurent,
laissant le clone d'Alwynn dans le désarroi de cette éphémère rencontre
avec celle qui aurait pu être sa mère…
Une
fois dans la salle du trône d'Ambre, Lycia et ses enfants décidèrent d'aller
à la rencontre de Dworkin. Cette dernière, pensant qu'il était au Temple
de la Licorne, s'y téléporta avec ses deux enfants. Il pleuvait et les
deux lourds battants de l'édifice étaient fermés. Elle frappa puis ouvrit
l'un d'eux. Une forêt de colonnes disposées sans ordre particulier s'offrit
à leurs yeux. Comme il entraient, une odeur florale flotta jusqu'à leurs
narines et des bruits de pas résonnèrent dans leur direction. Peu à peu
certaines colonnes commencèrent à disparaître, laissant la place à un
corridor. Au milieu de celui-ci, une femme à l'allure froide et renfermée
s'avançait. La Grande Prêtresse de la Licorne, Sycbèle, les accueillit.
Ils s'agenouillèrent devant elle. Elle remercia la Reine d'avoir amené
ses enfants en ce lieu, afin qu'ils apprennent à mieux connaître la Licorne.
Les étapes de cette visite seraient la bénédiction et la confession lors
d'une simple cérémonie. Leur engagement au culte était libre. "La Licorne
s'éveille et ouvre ses yeux sur ce monde !", avait-elle conclu avant de
les guider au cœur du bâtiment. Derrière eux, la porte s'était refermée
et les colonnes disparaissaient. Levon, lui, avait retrouvé son vrai visage.
L'air était empli d'une substance qui augmentait leurs perceptions psychiques
mutuelles. Lycia était tendue, Tristan intrigué et inquiet, et Levon,
détendu et dubitatif.
Le
corridor de colonnes se transforma bientôt en un couloir dont le sol était
recouvert d'un tapis rouge. Des portraits étaient suspendus aux murs.
Les derniers qu'ils virent avant que le couloir ne se scinde représentaient
Vialle, Caine, Sycbèle et Dworkin. Leur mère fut invitée à aller consulter
des ouvrages de la Licorne ainsi que la Pythie si elle le désirait. Levon
et Tristan furent conviés à aller se confesser dans l'autre direction.
Leurs chemins se séparèrent ici.
Une
confession, voilà qui ne m'enthousiasmait guère. Je n'étais pas venu à
Ambre pour me confesser de quoi que ce soit. Mais s'il fallait en passer
par là pour rencontrer Dworkin, soit. Nous arrivâmes dans une salle avec
quatre grandes arches et en son centre un isoloir de bois brut et brun.
Je me portais volontaire pour entrer dans le confessionnal pendant que
Levon patienterait à l'extérieur. Au centre des tentures blanches et bleues,
il y avait un fauteuil de cuir rouge sur lequel je m'assis. Sur le côté,
des croisillons en bois tressé masquaient un miroir.
La voix de la Grande Prêtresse me parvint semblant venir de partout et
de nulle part à la fois. Elle me demanda de lui ouvrir mon cœur et de
lui parler de la personne qui comptait le plus dans ma vie. Vaste question
qui me plongea dans une mer d'interrogations. Sans en être conscient,
j'avais déjà accepté la situation et j'étais soumis. Une voix me tira
de mes réflexions. C'était Levon. Il parlait de moi. J'étais celui dont
il avait décidé de parler comme s'il lui avait été demandé la même chose.
Je l'entendis parler de moi, décrire ses sentiments pour moi. J'étais
gêné et silencieux. Au fur et à mesure qu'il parlait, j'oubliais la situation.
Lorsqu'il eut fini, la Grande Prêtresse me demanda si j'avais quelque
chose à rajouter. A moins que ce ne soit à lui…J'étais troublé par tout
ce qu'avait dit mon frère. Il avait été capable de parler de lui, de moi,
avec une telle sincérité que j'en étais bouleversé. Une phrase sortit
de ma bouche, presque machinalement : "mon frère a parlé avec justesse...".
Il soupira.
La Grande Prêtresse conclut que nous devions apprendre à mieux nous connaître
et qu'après ce temps de séparation nous avions besoin de nous retrouver.
Elle nous laissa et Levon reprit sa place. Il me demanda si j'avais tout
entendu. La réponse ne pouvait être que oui ou non. Je ne pus me résoudre
à lui mentir, je me serais détesté pour cela. Évidemment, ma réponse affirmative
le mit en colère et il s'en alla. Je tentais de le rattraper pour je ne
sais quelle raison… Je ressentais sa blessure et la mienne. J'aurais voulu
l'aider à la refermer mais je compris vite que j'étais mal placé pour
cela. Seul le temps le pouvait à présent…
Les
chemins de Levon et Tristan se séparèrent après leur douloureuse épreuve.
Tristan vit bientôt la forêt de colonnes s'ouvrir sur l'extérieur. Il
s'adossa à la dernière, et observant la nature sauvage se perdit dans
ses réflexions sur les minutes précédentes Lorsqu'il reprit conscience
de son environnement, le Temple avait disparu et il était au milieu d'une
forêt inconnue.
Au
fur et à mesure que le temps passait, je prenais conscience que tout ce
que je venais de vivre avait été mis en scène et provoqué. L'ambiance
mystérieuse, les odeurs étranges et la confession religieuse. Tout avait
été mis en place pour nous rendre vulnérable, pour troubler nos esprits.
Dans le confessionnal, j'avais oublié que c'était mon frère qui se trouvait
de l'autre côté des tentures, et non un reflet de moi avec qui je partageais
mes pensées. Oui, tout avait été mis en place pour que le moindre faux
pas nous soit préjudiciable : ils avaient violé notre intimité, nos intimités.
Pour tout cela, mon opinion sur ces religieux d'Ambre était des plus déplorables.
Je me jurai intérieurement qu'ils ne m'y reprendraient plus. Cette mauvaise
expérience me servirait d'avertissement.
Le souvenir des propos de mon frère commençait à se perdre dans le néant
de ma mémoire : j'avais décidé de les oublier. Ce qu'il pensait de moi
le regardait et réciproquement. A présent, moi, je ne ferai plus référence
à ce moment d'intimité violée… et volé…
Tristan
marcha un peu dans la forêt où il était apparu. La vie animale emplissait
celle-ci. Au loin, il vit un troupeau de buffles. La nature s'exprimait
dans toute sa cruauté : une créature croisée entre un buffle et un grand
félin était en train de dévorer un véritable buffle. Tristan chercha une
hauteur pour essayer de se repérer. Alors qu'il approchait d'un arbre,
il se trouva nez à nez avec une créature croisée entre un lézard et un
félin. Elle chercha à plusieurs reprises à le dévorer. Il dut se défendre
et une lutte pour sa survie s'engagea. Il réussit à lui planter sa rapière,
qu'il portait toujours à la ceinture, dans l'œil gauche. Prenant de la
distance avec la créature se tordant de douleur, il s'aperçut qu'il n'était
qu'à deux kilomètres des Quartiers Royaux. Au même moment, il sentit un
contact d'Atout. C'était sa mère qui le fit passer jusqu'à sa chambre
des Quartiers Royaux.
Lycia avait retrouvé Levon presque congelé dans le Temple de la Licorne.
Elle s'était ensuite inquiétée pour Tristan et avait décidé de le contacter.
Ils allèrent visiter Levon qui fut content de les voir. Il ne semblait
néanmoins toujours pas remis de ce qui s'était passé dans le Temple et
son humeur se dégrada rapidement. Tristan et Lycia allèrent se restaurer
dans un des salons de la cité.
Une
agitation soudaine envahit les couloirs du palais. Mordred avait été arrêté
par la garde royale. Il avait tué une dizaine d'habitants de la cité d'Ambre
parmi lesquels plusieurs membres du culte de la Licorne. Martin avait
été grièvement blessé lorsqu'il avait prêté main forte à Ixaani et à Mo
pour le maîtriser. Défiguré depuis la création du Logrus, Mordred avait
tenté d'obtenir une guérison miraculeuse de la Licorne, mais devant la
réponse négative, froide et distante de Martin, il s'était sauvagement
emporté.
Je
profitai de mon après-midi pour visiter la cité des Quartiers Royaux.
Je commençai par les quartiers marchands. La foule se pressait près des
échoppes et les marchés y étaient bigarrés. Mon attention fut attirée
par une maisonnette en haut d'une petite butte. Sa pancarte représentait
une carte à l'intérieur d'un parchemin. Un personnage habillé d'une grande
robe et d'un chapeau pointu semblait attendre d'éventuels clients. J'engageai
la conversation. Ce mage copernicien était mandaté par le grand Dragon
et la Reine Lycia d'Ambre. Son nom était Caïus. J'appris que ce lieu était
un téléporteur et qu'il existait des échoppes identiques à celle-ci dans
chaque cité du continent réel. Les mages coperniciens étaient capables
d'utiliser des Atouts de lieux. Quelques cités comme Double Terre requéraient
l'autorisation de la Reine ou d'autres comme Wenrebma procédaient à un
contrôle à l'arrivée de tout nouveau visiteur. Remerciant mon interlocuteur,
je revins au château et passai la fin de l'après-midi à m'entraîner au
duel d'épée avec quelques gardes des Quartiers Royaux.

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