- Dernière année,
         premier amour -

     En cette douloureuse période, prise dans les tourmentes de l'adolescence, de ses brusques changements physiques ingrats et par la dure découverte des réalités d'un monde adulte lamentable, ce dont j'avais évidemment le plus besoin était le réconfort et l'amour de mon entourage, de ces gens qui croyaient en moi et me soutenaient.
Galaak était de ceux-ci et depuis quelques temps, il était repassé à l'offensive, m'inondant de son amour et de ses désirs. Enervant, gentil et mystérieux à la fois, il avait du charme le bougre. Souvent il me complimentait sur mes formes abondantes et si féminines - disait-il - que je décriais tant. Il s'étonnait et regrettait aussi que je ne les mette pas plus en valeur comme ce fut le cas à une époque.
Grâce à son côté touchant et rassurant, il me fut facile de lui expliquer clairement pourquoi j'avais décidé d'accepter ce rendez vous : je voulais mieux le connaître car j'en avais tout simplement besoin. Et peut-être cela faisait-il déjà longtemps que mon cœur avait cédé…

     C'est en début de soirée qu'il vint me chercher. Beau et élégamment vêtu, il m'amena dans la ville illuminée de mille feux et fortement animée en cette heure.
Il me fit un cadeau merveilleux, un des plus beaux que je puisse imaginer. Discrètement, et de la manière la plus illégale qui soit, nous embarquâmes sur un ballon, laissant les clameurs de la cité derrière nous et nous envolant dans ce beau ciel d'un bleu éteint. Le soleil avait disparu mais la nuit n'était pas encore bien profonde.
Mon cœur battait fortement alors que nous survolions la Caldeira. L'air était frais et doux, un léger vent virevoltant dans mes cheveux détachés. Au loin se découpaient les montagnes délimitant les frontières de l'immense forêt parcourue de ruines mythiques.
Quelques temps après, nous dépassâmes ces sommets et la mer apparut, majestueuse sous l'éclat argenté de la lune. Alors que le ballon perdait de l'altitude, de petites criques se précisèrent, multitude de lieux intimes et cachés empreints d'un romantisme mystérieux. Je ne pus retenir une larme de joie.
Nous nous posâmes sur le sable mouillé : le lieu était idyllique, entouré de hauts rochers et parcouru de quelques hautes herbes tranquilles. Les vagues venaient s'échouer doucement sur la plage conférant à l'endroit une grande sérénité.
Galaak descendit rapidement et ne tarda pas à se dévêtir entièrement, me révélant son corps sans gêne. Troublée et rougissante, je détournai la tête. Il entra rapidement dans l'eau pour disparaître aussitôt dessous. Qu'avait-il donc en tête ?
J'attendis de longues minutes.

Rien.

Je commençais à m'inquiéter quand tout à coup les flots scintillèrent de milles éclats : des myriades de gouttelettes jaillirent et se dispersèrent dans la fraîcheur nocturne, tandis qu'un magnifique dauphin fendait les flots. L'animal à la peau luisante exécuta alors un magnifique ballet aquatique, virevoltant et jaillissant en de multiples figures, toutes plus légères et gracieuses les unes que les autres.
Emerveillée, je restai bouche bée devant un tel spectacle : c'était fascinant, irréel, féerique… comme si une bulle d'éternité nous isolait des réalités du monde et nous plongeait aux frontières du merveilleux.
Je n'y tins plus et c'est toute habillée que je rentrai dans l'eau. Ma robe flottait au milieu de l'écume, mes cheveux étaient trempés et mes vêtements me collaient à la peau, mais pourtant je continuai à avancer vers l'irrésistible dauphin, hypnotisée par la magie de l'instant.
Je pus enfin toucher sa peau lisse, froide mais si douce. Le contact psychique qui en résulta fut soudain et débordant d'amour. Car il n'était autre que Galaak ! ! !
Et là tout me fut révélé : de sa vraie forme qui était celle qu'il endossait actuellement à ses parents. Il était en effet le fils d'un dauphin et de Llewella ! C'est ainsi que tous les mystères autour de lui s'envolèrent, dévoilant à mon esprit comment il avait pu progresser si vite à l'école ou encore comment il avait trouvé la Marelle de la mer, la nouvelle Rebma, pour sa mère…
C'était totalement surréaliste. Juste magnifique. Chavirant.
J'étais amoureuse.

 

 



Plutôt drôle comme scène…Suis-je encore si romantique aujourd'hui ?
Peut-être que oui…mais je ne verse plus autant dans la mièvrerie, ça j'en suis certaine.
Au moins, cette image a-t-elle le mérite de montrer une autre
facette de ma personnalité et autrement que dans le plus simple appareil !

 

 

     Emportée par mes désirs, j'écoutais mon cœur d'enfant, fouillant dans la mémoire de ces jeunes années où je m'abreuvais de légendes pour échapper au triste quotidien. Et la sirène vint naturellement à moi, la belle sirène des contes de fées… En fait, j'étais en train de revivre ces contes ! Du cadre enchanteur baigné par la lune et les millions d'étoiles à la présence de mon prince charmant, tout était réuni…
Mais bien qu'en partie métamorphosée, je n'avais pas osé retirer mes dessous : pas encore assez sûre de moi… Il était tout de même le premier à poser ses yeux sur mon corps en partie découvert… Partagée entre un sentiment de timidité, résultant de mes complexes, et le désir de plonger à ses côtés sans entraves spirituelles, je me trouvais un peu déstabilisée…
Galaak sembla le remarquer et s'arrêta, restant proche de moi. Je le touchai, la main légèrement tremblante. Il me réconforta : "Ma chérie, sois tranquille… oublie-toi, ne te soucie plus des apparences…". Pour lui j'étais belle, désirable et mon corps dégageait une féminité qu'il ne fallait pas ignorer. "Tu sais Kasumi, je t'aime depuis longtemps. Lorsque nous nous sommes connus tu n'étais encore qu'une enfant. Peu à peu j'ai appris à te découvrir, et je suis tombé amoureux de toi. A l'époque tu n'avais pas ces rondeurs et je te trouvais déjà magnifique. Aujourd'hui, tu es généreuse, sensuelle… et je ne peux que t'aimer davantage…". Il encensa la beauté de ce corps dont j'avais honte et qu'il ne fallait plus occulter, certains le trouvant si envoûtant.

     Plus à l'aise, nous parcourûmes les eaux pures et limpides et nous nous enfonçâmes dans les sombres profondeurs maritimes : le rêve continuait.
Rebma apparut, magique, avec ses troubles lumières, ses sculptures brillantes comme de l'albâtre représentant tritons, nymphes, sirènes et dauphins. La cité sous marine était comme à demi effacée par une sorte de brume verte. Arches, escaliers sans fins, torches marines, bâtisses de jades aux flèches élancées, arbres et coraux se succédaient, accompagnés par une myriade de poissons multicolores.
Même sous l'eau, nous pouvions respirer, et Galaak reprit donc sa forme humaine. J'étais moins gênée que la première fois, un climat de confiance s'était noué entre nous, peut-être facilité par l'ivresse des profondeurs et l'atmosphère irréelle du lieu. Il était beau et je le regardai : son air tendre et ses yeux profondément amoureux… ses larges épaules prolongées par des bras puissants… son torse aux lignes denses et marquées…
Semblant comprendre mes pensées intérieures, il posa une main sur ma taille et l'autre au dessous de mes seins, puis il m'embrassa.
Etrange… s'embrasser sous l'eau étant bien difficile !

     Nous visitâmes encore un peu la ville, en flânant, heureux d'être là, tous les deux. Nous étions éperdus d'amour.

     Malheureusement ce moment ne pouvait durer éternellement et il fallut bien se décider à rentrer en Ambre.
Revenus sur la petite crique tranquille, je retrouvai ma forme et me séchai à l'abri du regard de mon bien aimé. Une fois rhabillés, nous camouflâmes le ballon puis, à l'aide d'un Atout du château, nous nous retrouvâmes instantanément devant. Les gardes semblaient plus nombreux. On devait nous attendre.
Essayant une rentrée discrète après nous être métamorphosés en serviteurs, nous progressâmes quelques temps… avant de tomber face à un Random en robe de chambre et affichant un air mécontent… Et mince ! ! !
Forcément, les reproches fusèrent, notamment sur notre inconscience, sur les risques insensés et puérils que nous avions pris, etc. Par la Licorne que c'était ennuyeux… Il avait beau dire tout ce qu'il voulait le papi, je ne regrettais rien. Bien au contraire, j'étais prête à retenter l'expérience ! C'était à se demander s'il avait été jeune. A être Roi, on en devient trop responsable et craintif… Heureusement un allié de dernière minute vint nous aider à sortir de cette situation pénible.
Le Château venait de bloquer le temps.
Ravie par cette aide inopportune, je remerciais mon gentil sauveur tout en pensant que nous aurions largement le temps de nous perdre en vaines explications le lendemain. Mais pour l'instant, la nuit était à nous !

     La pièce était sombre et il était nu. Allongée sur le lit, je le vis s'approcher de mes lèvres pour me déposer un baiser langoureux et savoureux. Il descendit : sa bouche, ses mains se firent plus pressantes alors qu'il me caressait tendrement le cou, les épaules, les bras et le ventre. Il s'attarda sur mes seins encore dérobés à son regard par mon bustier. Il le délassa et l'ôta doucement, sans que je ne m'en rende compte, trop enfiévrée que j'étais par ses caresses. Je me perdis dans son étreinte… et alors qu'il s'attardait sur ma lourde poitrine, je lâchai quelques gémissements : c'était paradisiaque…
Mais je l'arrêtai à cette caresse pour cette fois, car je ne pouvais aller plus loin si vite... Je restais ainsi, presque nue, une simple et unique petite culotte recouvrant mes dernières marques d'intimité.
Cette nuit enfin, je pus aimer ces formes, si réceptives aux attentions qu'on leurs portait. Galaak les aimait tant et il me procurait un tel plaisir à s'en occuper si tendrement… Je n'avais plus honte de ce corps dont j'étais si complexée. Au contraire j'en étais presque fière.
Ce fut une belle nuit, très intime, à la suite de laquelle nous finîmes par nous endormir, ma tête posée sur sa poitrine à l'écoute des battements de son cœur.
Avec le recul, je suis étonnée d'être allée aussi loin lors de cette première sortie. Mais à y réfléchir, rien de plus normal : les conditions étaient réunies pour que tout vienne naturellement et facilement. Cela aurait pu être beaucoup plus progressif, mais l'énorme besoin d'être rassurée que j'éprouvais, couplé à l'attention et l'intelligence de Galaak, avaient sans aucun doute accéléré les choses, sans heurts.
Merci mon amour…

     Le matin, nous revîmes Random. Ce dernier avait l'esprit embrouillé et il n'avait visiblement pas tout compris ce qu'il s'était passé la nuit dernière. Il passa donc l'éponge mais nous lança tout de même un avertissement. Qu'importe, cette nuit-là avait été merveilleuse…
Inutile de dire que les jours suivants, nous passâmes de très nombreux moments ensemble, Galaak et moi. La classe continuait son petit bonhomme de chemin et les journées défilaient à toute vitesse.

     Fut un jour où je décidai enfin à me rendre au Temple de la Licorne pour me renseigner discrètement sur la bague que je tenais de mes rêves. Situé sur un îlot volant, j'empruntai un ballon pour m'y rendre. C'était un édifice majestueux, d'une blancheur immaculée. Les colonnes colossales donnaient un sentiment de puissance au bâtiment alors que de multiples sculptures de licornes, bas reliefs et arabesques de pierres délicates le magnifiaient. Un immense escalier partant d'une grande esplanade déclinait ses nombreuses marches vers les intérieurs sacrés. Caine m'y accueillit.
A mes questions, il ne m'apprit malheureusement guère plus ce que j'avais découvert dans la bibliothèque il y a de cela bien longtemps (voir chapitre 4). Et si je voulais en connaître davantage, il me fallait entrer dans les Ordres.
Forcément, ce n'était pas du tout dans mes idées et je déclinai donc l'invitation, arrachant un sourire compréhensif à mon interlocuteur. Bref, on verrait plus tard.

     Pour les nouvelles classiques, la cité de Yarick nommée Atlantis continuait de se développer et était très sympathique à ce qu'on disait. On racontait même qu'elle avait un reflet sous marin, comme Rebma en quelque sorte.
Lycia et Elna n'étaient quant à elles toujours pas réapparues.
Par contre, Neige me fit plaisir à voir, un sourire illuminait à nouveau son visage. Elle était très excitée, car elle pensait être sur le point de découvrir la magie qui permettrait de réveiller Robin. Malheureusement, ses visites étaient brèves et même si l'idée que papa revienne à la vie m'enchantait, une petite voix au fond de moi me disait que ça ne fonctionnerait pas. Peut-être la peur d'être déçue… ou tout simplement la lucidité.

     Tranquillement, l'année et les études tiraient vers leur fin. Libérée peu à peu de mes complexes, je mis plus souvent des vêtements ouverts et moulants, qui mettaient mes formes en valeur. Malheureusement le bonheur des uns faisant le malheur des autres, certains qui enviaient notre relation ne se montraient pas sous leur meilleur jour. D'autres encore semblaient espérer plus que ce que je laissais entrevoir, mais le tout restait réservé à Galaak. La vie sociale se poursuivait donc.
Quant à mes relations amoureuses, elles étaient de plus en plus poussées, les caresses de plus en plus intimes, et si j'étais encore vierge, c'est que je ne me sentais pas encore tout à fait prête. Mais ce moment si crucial dans ma vie était sur le point d'arriver, je le sentais. Aussi, pour me libérer l'esprit lors de cet instant tant redouté et espéré, je décidai d'utiliser les techniques de contraception métamorphique que m'avait enseignées Vialle.

 

 

     Cet événement attendu et désiré depuis longtemps arriva le jour de mon seizième anniversaire. Je m'en souviens comme si c'était hier. C'était dans sa chambre, dans une douce ambiance, un feu de cheminée pour seule lumière qui faisait danser les ombres orangées sur nos corps dénudés. Me libérant de mes dernières contraintes je m'étais donnée à lui. Totalement.
Les flammes de la passion nous dévoraient alors qu'il allait et venait entre mes cuisses. Cela faisait plusieurs heures que nos corps étaient réunis, enfiévrés, se répondant en maints baisers ardents et caresses endiablées. Mes émotions étaient suramplifiées par l'excès de sensations et j'haletais sous les chocs intérieurs se propageant en vagues de plaisir qui me submergeaient par à coups. Sa fraîche langue mouillée longeait délicatement mon corps, le frôlant pour finalement s'attarder sur mes mamelons gonflés d'excitation. Toujours plus loin, il entreprit alors de les mordiller délicatement et je parvins au comble du plaisir…

Quand brutalement, cette danse torride fut interrompue par une vive douleur, insupportable.
Mes gémissements se muèrent en un cri de douleur. Galaak surpris mais très attentif s'empressa alors d'arrêter et, avec douceur, s'enquit de mon état, un air inquiet sur son visage.
C'était la bague de la Licorne. C'était cette bague qui m'avait provoqué cette fulgurante et détestable douleur… Pourquoi ? La Licorne était-elle contre cet acte ? Les questions défilèrent un petit moment dans ma tête… quelques instants seulement. Je ne voulais pas gâcher ce premier rapport si intense. J'enlevais donc le détestable objet puis je rassurais Galaak d'un sourire affectueux, amoureux. Sereinement nous reprîmes nos ébats.
Ce moment était trop important pour moi. C'était un rêve qui se réalisait enfin : rien ni personne ne m'empêcherait d'aller jusqu'au bout. Déterminée, les yeux mi-clos, un léger sourire de satisfaction sur ma bouche entrouverte, l'eau de nos corps se mêla, ruisselante sur nos peaux luisantes.
Et une ultime jouissance m'emporta en une merveilleuse symbiose onirique.